L’obligation de sécurité de l’employeur : les atténuations apportées par les juges
La Cour de cassation a admis pour la première fois, dans un arrêt du 25 novembre 2015, la possibilité pour l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité de résultat quand il démontre avoir pris les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés (voir l’article « Obligation de sécurité de l’employeur : vers un allègement ? »).
Dans un autre arrêt du 22 septembre 2016, la Cour de cassation confirmait sa nouvelle orientation jurisprudentielle au cas du harcèlement moral en mettant en avant deux cas d’exonération :
- l’agresseur n’était pas un salarié de l’entreprise. Dès lors, l’employeur ne pouvait exercer à son encontre un quelconque pouvoir de contrôle ;
- l’employeur avait immédiatement réagi et mis en place une organisation et des moyens adaptés pour parer à toute récidive.
Concernant le cas de la violence au travail, des doutes demeuraient. Une décision rendue en mai 2016 concernant un cas de violence physique entre salariés laissait penser que l’obligation de sécurité de résultat demeurait même lorsque l’employeur avait pris des mesures pour faire cesser les agissements (Cass. soc., 26 mai 2016, n° 14-15.566).
Dans une décision rendue en février dernier, la Cour de cassation vient cependant atténuer la responsabilité de l’employeur en cas de violences physiques ou morales subies par un salarié du fait d’un de ses collègues.
En l’espèce, les faits invoqués par le salarié avaient pour seule cause son propre comportement caractérisé par une agression commise à l’encontre d’un collègue, qui n’a fait que répliquer aux coups portés contre lui. La Cour de cassation a considéré que, d’une part l’employeur ne pouvait anticiper un tel risque, aucun antécédent n’existait entre les deux protagonistes et, d’autre part, que l’employeur était personnellement intervenu pour faire cesser l’altercation.
La Cour de cassation fait ici application de l’adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude… » ou autrement dit de son propre comportement violent. En effet, le salarié ne peut reprocher à son employeur la violation de son obligation de sécurité, alors qu’il a lui-même crée les conditions de son insécurité.
Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 1er février 2017, n° 15-24.166 |
Il semble donc désormais qu’en matière de violence au travail, l’employeur puisse s’exonérer de sa responsabilité de sécurité dès lors que le risque était imprévisible, qu’il a mis en œuvre des moyens de prévention et qu’il a réagi immédiatement après l’avènement d’une situation conflictuelle ou violente présentant un risque pour la sécurité de ses salariés. A suivre !
Pour tout savoir sur l’obligation de sécurité de l’employeur, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Réglementation en Santé Sécurité au travail ».
André Benayoun
Maitre de conférences en droit du travail
Consultant, Formateur
Cour de cassation, chambre sociale, 1er février 2017, n° 15-24.166 (l’employeur ne manque pas à son obligation de sécurité en cas de violence au travail causée par un salarié alors qu’il ne pouvait anticiper un tel risque et qu'il était personnellement intervenu pour faire cesser l'altercation)
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Mots clés de l'article : Prévention des risques |
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L’obligation de sécurité de l’employeur : rappels L'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (Code du travail, art. L. 4121-1). L’obligation de sécurité de l’employeur s’étend à toutes les formes de violences physiques, verbales et psychologiques notamment entre les salariés sur leur lieu de travail. Liée au bon fonctionnement de l’entreprise, la politesse a sa place en entreprise. Elle se traduit par un respect mutuel que chaque salarié se doit. Le chef d’entreprise doit tout mettre en œuvre pour éviter des comportements à risque de ses salariés. Agir sur les incivilités, les écarts de langage, et les insultes. A fortiori, l’employeur ne doit pas dans l’exercice de son pouvoir de direction, prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre les codes sociaux de l’entreprise. Ainsi quand il a connaissance de relations tendues et répétées entre des salariés, il doit intervenir aussitôt pour que cette situation conflictuelle ne dégénère pas. En cas de manquements à cette obligation, l’employeur peut voir sa responsabilité civile voire pénale engagée par le salarié concerné. Et, la méconnaissance de l’obligation de sécurité autorise le salarié « victime » à prendre l’initiative de rompre le contrat de travail s’il apparaît que le comportement de l’employeur rend impossible la poursuite du contrat de travail. Pendant longtemps, les juges ont considéré que le fait d’assurer la sécurité de tous les salariés sur le lieu de travail constituait une obligation dite de résultat et non de moyen. Il ne suffisait pas pour l’employeur de prendre et de mettre en œuvre les mesures adaptées pour assurer la sécurité et la santé des salariés. Il fallait absolument empêcher que le risque ne se produise en procédant à l’évaluation de ceux qui ne peut être évités. L’obligation de sécurité de l’employeur : les atténuations apportées par les juges La Cour de cassation a admis pour la première fois, dans un arrêt du 25 novembre 2015, la possibilité pour l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité de résultat quand il démontre avoir pris les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés (voir l’article « Obligation de sécurité de l’employeur : vers un allègement ? »). Dans un autre arrêt du 22 septembre 2016, la Cour de cassation confirmait sa nouvelle orientation jurisprudentielle au cas du harcèlement moral en mettant en avant deux cas d’exonération :
Concernant le cas de la violence au travail, des doutes demeuraient. Une décision rendue en mai 2016 concernant un cas de violence physique entre salariés laissait penser que l’obligation de sécurité de résultat demeurait même lorsque l’employeur avait pris des mesures pour faire cesser les agissements (Cass. soc., 26 mai 2016, n° 14-15.566). Dans une décision rendue en février dernier, la Cour de cassation vient cependant atténuer la responsabilité de l’employeur en cas de violences physiques ou morales subies par un salarié du fait d’un de ses collègues. En l’espèce, les faits invoqués par le salarié avaient pour seule cause son propre comportement caractérisé par une agression commise à l’encontre d’un collègue, qui n’a fait que répliquer aux coups portés contre lui. La Cour de cassation a considéré que, d’une part l’employeur ne pouvait anticiper un tel risque, aucun antécédent n’existait entre les deux protagonistes et, d’autre part, que l’employeur était personnellement intervenu pour faire cesser l’altercation. La Cour de cassation fait ici application de l’adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude… » ou autrement dit de son propre comportement violent. En effet, le salarié ne peut reprocher à son employeur la violation de son obligation de sécurité, alors qu’il a lui-même crée les conditions de son insécurité.
Il semble donc désormais qu’en matière de violence au travail, l’employeur puisse s’exonérer de sa responsabilité de sécurité dès lors que le risque était imprévisible, qu’il a mis en œuvre des moyens de prévention et qu’il a réagi immédiatement après l’avènement d’une situation conflictuelle ou violente présentant un risque pour la sécurité de ses salariés. A suivre ! Pour tout savoir sur l’obligation de sécurité de l’employeur, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Réglementation en Santé Sécurité au travail ». André Benayoun Cour de cassation, chambre sociale, 1er février 2017, n° 15-24.166 (l’employeur ne manque pas à son obligation de sécurité en cas de violence au travail causée par un salarié alors qu’il ne pouvait anticiper un tel risque et qu'il était personnellement intervenu pour faire cesser l'altercation) |