CE QU’IL VA FAIRE
Pas d'état de grâce pour Emmanuel Macron. Son premier gros chantier, la réforme du Code du travail, risque de mettre le feu aux poudres. Les syndicats contestataires, CGT et FO, montrent déjà les muscles et annoncent une rentrée sociale, en septembre, chaude. " S'il persiste dans l'idée de faire des ordonnances au mois de juillet, ça veut dire qu'il va balayer le dialogue social et la concertation : il y aura un problème d'une manière ou d'une autre ", a prévenu Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO. Même ton offensif de la CGT qui invite le nouvel hôte de l'Elysée à " renoncer à vouloir réformer le Code du travail par ordonnance ". La base militante de ce syndicat, qui a perdu la première place aux élections professionnelles dans le privé au profit de la CFDT, syndicat réformiste, entend prendre sa revanche sur la loi El-Khomri. En témoigne la manifestation improvisée à l'appel de dizaines de sections locales dans Paris le 8 mai, soit le lendemain du sacre du candidat d'En marche !. Dans le cortège de quelque 6 000 personnes, les pancartes donnaient le ton de la fronde qui s'annonce : " On aura la peau du Banquier. "
« On négocie sur le terrain »
Cette réforme explosive va être le premier grand test d’Emmanuel Macron président. Il en est persuadé, pour faire baisser le taux de chômage, il faut s’attaquer aux rigidités du Code du travail en lançant « une loi El-Khomri puissance dix. » « Il a raison de vouloir faire cela dès le début de son quinquennat car ce genre de mesure met du temps avant de produire des résultats tangibles en termes d’emploi », explique Franck Morel, associé du Cabinet Barthélémy Avocats, spécialiste du droit du travail.
Premier étage de la fusée : la décentralisation du dialogue social au niveau de l’entreprise : « Je veux que la loi définisse des principes incontournables, puis, au niveau des branches et des entreprises, on négocie sur le terrain », avait déclaré Emmanuel Macron en meeting en début d’année. En clair, il s’agit de changer de logiciel : « la loi Travail a entamé ce processus en donnant la primauté aux
accords d’entreprises sur la seule question du temps de travail. Le projet du nouveau président veut appliquer ce paradigme à l’ensemble du Code du travail », poursuit Frank Morel. Concrètement, les conditions de travail et les salaires (le minimum légal reste le smic) seront négociés dans les entreprises qui pourront avoir leur propre régime si elles signent un accord majoritaire. Autre nouveauté : en cas de blocage, les salariés pourront être consultés à l’initiative des syndicats mais aussi des employeurs. Cette flexibilité nouvelle est mise en avant par l’entourage du président qui cite en exemple l’accord de compétitivité signé à STX qui a permis de sauver des centaines d’emplois.
Le principal point de crispation avec les syndicats devrait être la « barémisation » des indemnités prud’homales. C’est une marotte de l’ancien ministre Emmanuel Macron qui avait incorporé la mesure dans sa loi sur la croissance et l’activité adoptée en 2015. Mal calibrée, cette disposition avait été retoquée par le Conseil Constitutionnel. L’ex-locataire de Bercy était revenu à la charge lors de la loi El-Khomri en l’ajoutant au texte porté par la ministre du Travail. Ce qui avait suscité l’ire de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT qui avait qualifié l’idée de « verrue ». Sous pression, le gouvernement de Manuel Valls avait tiré un trait dessus.
Fusionner CE, DP et CHSCT
Pourquoi rouvrir ce front avec les syndicats ? Via le plafonnement des indemnités prud’homales, Macron veut lever la peur à l’embauche des patrons. « Les entreprises, grandes et petites, craignent d’abord l’incertitude qui naît de l’imprécision de la loi et de la judiciarisation qui en découle », explique Raymond Soubie, président d’Alixio, un cabinet d’expertise sociale.
Enfin, le nouvel hôte de l’Elysée compte fusionner les instances représentatives du personnel : le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Cette possibilité existait déjà pour les entreprises de moins de 300 salariés. Au-delà les employeurs devaient négocier un accord collectif. L’ex-ministre de l’Economie veut aller plus loin en faisant sauter ce seuil. « C’est une bonne chose car les thématiques propres à chaque instance se chevauchent, explique Déborah David, avocate associée au sein du cabinet Jeantet. L’avantage pour l’employeur sera la possibilité d’organiser une seule réunion en abordant tous les sujets. Cela va permettre de fluidifier le dialogue social dans l’entreprise. » Exemple : « La santé du travail pourra être abordée en même temps qu’un projet de réorganisation du travail. Cela va décloisonner les différentes négociations », explique Nicole Maggi-Germain, directrice de l’Institut des sciences sociales du travail (ISST) rattaché à la Sorbonne.