Il a fallu attendre quelques jours, histoire d'y voir clair. Pas tant sur les projets de Macron, bien connus, que sur les réactions de notre Confédération - elles ont tardé, bien après les communiqués de FO, la CFDT et même l'UNSA.
Les projets de Macron sont donc sur la table (pour info, la lettre du Premier Ministre), et on connaît grosso modo le contenu de l’ordonnance à ce propos. Ils ont été rappelés et répétés en boucle toute cette semaine, nous ne ferons donc qu’un renvoi à l’article du Monde ci-contre pour les détails.
Nous ne défendons pas le Compte Personnel de Prévention de la Pénibilité (C3P), dont nous avons déjà dit tout le mal qu’il fallait en penser (voir entre autre notre plaquette de formation syndicale, ICI). Le combat contre la pénibilité, pour la réparation et la prévention continue, aujourd’hui comme hier.
Mais il faut néanmoins examiner ce que veut Macron, et ce qu’il y a derrière.
1) La diminution de 10 à 6 des critères standards reconnus. On rappelle ceux qui viennent d’être « effacés », ce n’est pas anodin :
- Manutentions charges lourdes
- Postures pénibles
- Vibrations mécaniques
- Risques chimiques
On a vu des commentaires qui parlaient de la chimie et de la construction. Mode évidence, bien sûr. On a lu des références à des « milliers » de travailleurs concernés. L’impression étrange qu’on ne vit pas dans le même monde, qu’on n’a pas la même vie.
Car ce ne sont pas « des milliers » de travailleurs qui sont concernés par cette modification, mais des « centaines de milliers ». Voire des millions.
Bien sûr les travailleurs de la construction (BTP) et de la chimie. Mais aussi de la santé (produits agressifs, port des patients). Tout le personnel de nettoyage, femmes de ménages et autres. De la métallurgie (chaudronnerie, traitements de surface etc.). Les transports et la manutention. Le commerce. L’agriculture. Pfff… la liste n’est pas finie quand on a compris qu’il y a toutes les conséquences des manutentions et de l’usage croissant des produits de l’industrie chimique dans tous les domaines (voir l’affaire des perturbateurs endocriniens).
La loi Macron c’est une régression incroyable sur la reconnaissance de la pénibilité, ne serait-ce qu’en revenant sur une liste des critères qu’il avait fallu des décennies pour gagner, désormais divisée en deux catégories…
Tous les travailleurs sont concernés, partout, dans tous les secteurs, c’est un scandale. Macron, c’est le mépris de classe, et pas seulement dans les mots. Nous ne sommes « rien », et il nous le fait comprendre. Et la CFDT de se féliciter que maintenant on va pouvoir traiter les « risques chimiques », de manière spécifique… Allo ? Quand on commence par retirer ce risque de la pénibilité, on a du souci à se faire pour la suite !
2) Le deuxième aspect, c’est bien sûr le retrait de la responsabilité patronale, et le report sur les régimes d’assurances sociales. Les patrons sont exemptés de toute responsabilité : on retrouve le sens véritable de la loi de 1898 sur les accidents du travail, qui établissait un régime spécifique en échange explicite de l’abandon des poursuites juridiques – responsables, pas coupables. Comme pour le sang contaminé, comme pour l’amiante, il y a une vraie continuité de la jurisprudence française.
Les quatre critères concernés sont renvoyés à un régime d’invalidité, comme l’avait fait Sarkozy en 2010. C’est-à-dire qu’il faudra être reconnu invalide à 10% (nette amélioration – lol – par rapport à Sarkozy qui définissait 20%) pour avoir le droit à une retraite anticipée, après procédure etc. (lire notre article de 2010 « La pénibilité, symbole d’une réforme de classe »). Rien n’a changé, retour 7 ans en arrière…
Bon l’affaire est claire, en fait Macron avait annoncé la couleur, dans la droite ligne des exigences de Gattaz (lire « Pénibilité : Gattaz en veut toujours plus – mais où est la CGT ? »). Il faut reprendre le combat contre la pénibilité de l’exploitation capitaliste, pour la prévention, pour la réparation. A l’heure où notre confédération est silencieuse depuis des années sur le sujet, où les structures ont abandonné ce combat, il revient aux syndicats de relever le drapeau, sachant qu’ils auront immédiatement l’appui de tous les travailleurs concernés, tellement la souffrance et la pénibilité sont lourdes dans tous les aspects de notre vie !