Recours facilité aux CDD et aux contrats d’intérim
La première liberté nouvelle donnée aux négociateurs des branches professionnelles porte sur les caractéristiques des contrats à durée déterminée (CDD) et des contrats d’intérim. Une évolution substantielle dans un contexte où les embauches sont réalisées à près de 90 % en CDD, dont 70 % pour moins d’un mois. Les motifs de recours au CDD restent fixés par la loi, qui lui conserve son caractère obligatoirement temporaire ; la prime de précarité demeure elle aussi légale. Pour le reste, l’ordonnance n° 3 accorde une large liberté de négociation.
Durée du CDD. Sa durée maximale pourra être allongée au-delà de dix-huit mois, ce qui était la règle jusqu’alors, hormis quelques exceptions. Cette limite est désormais négociable sans plafond. « La règle de base, rappelée par la jurisprudence, demeure qu’un CDD ne peut avoir pour objet de pourvoir un poste lié à une activité durable dans l’entreprise », prévient néanmoins Roger Koskas, avocat de salariés au sein de Brihi-Koskas et associés à Paris. En outre, la branche est autorisée à aller au-delà des deux renouvellements de CDD (la loi Rebsamen du 17 août 2015 l’autorisait déjà, mais dans la limite de dix-huit mois au total). L’ordonnance ne prévoit aucun plafond.
Délai de carence entre deux contrats. La négociation est désormais possible au niveau de la branche pour réduire ou supprimer la carence entre deux contrats, actuellement d’un tiers ou de la moitié de la durée du contrat selon les cas. Le recours aux contrats intérimaires est facilité dans les mêmes proportions.
Transmission du CDD ou du contrat d’intérim au salarié. Son retard n’entraînera plus sa requalification en contrat à durée indéterminée (CDI). Jusqu’à présent, le délai était de deux jours ouvrables suivant l’embauche.
Contreparties pour les salariés
Faut-il s’attendre à une large dérégulation de l’usage des CDD ? Laurent Beljean, avocat au sein d’Aerys Avocats à Lyon qui conseille les employeurs, en doute : « Certes, les règles relatives au CDD ne résulteront plus exclusivement de la loi, mais il n’y aura pas dans ce domaine un Code du travail par entreprise. » Dans le cadre d’une négociation de branche, entre représentants patronaux et syndicaux généralement chevronnés, « le mouvement devrait être maîtrisé, et ce, d’autant plus que les accords devront être étendus pour pouvoir s’appliquer aux entreprises de la branche, c’est-à-dire avalisés par le ministère du Travail ». Si, par exemple, un nombre accru de renouvellements était négocié, ce serait en contrepartie d’avantages pour les salariés, assure-t-il. « On peut attendre des branches qu’elles n’ouvrent pas une concurrence sociale effrénée entre les entreprises d’un secteur d’activité », pronostique Roger Koskas. De plus, une inconnue pourrait guider le comportement des employeurs : le malus sur les charges sociales patronales que le gouvernement entend appliquer aux entreprises abusant des contrats courts, avec un éventail de 2 à 10 %, contre un taux unique de 4,05 % actuellement.
Période d’essai assouplie pour les CDD et les CDI
La durée de la période d’essai pour les CDD et les CDI peut être désormais soumise à la négociation de branche. Le Code du travail autorise le salarié comme l’employeur à rompre librement un contrat de travail, pendant deux mois pour les ouvriers et les employés, trois mois pour les techniciens-agents de maîtrise et six mois maximum pour les cadres. Il était permis de renouveler cette durée pour qu’elle atteigne respectivement quatre, six et douze mois en cas d’accord de branche étendu, avant la loi de 2008 sur la modernisation du marché du travail. Cette possibilité est de nouveau ouverte.
Le CDI de chantier élargi à d’autres secteurs
Le CDI de chantier, un contrat temporaire déjà pratiqué dans la branche du bâtiment, pourra s’appliquer à tous les secteurs d’activité qui le décideront par accord social. « Les branches auront donc à déterminer une typologie d’activités permettant d’y recourir », précise Roger Koskas. Car il ne conviendra pas à toutes.