C’est bien un procès hors normes qui s’est ouvert ce matin au parc des expositions Mégacité d’Amiens. 831 ex-Goodyear assignent ce jour la multinationale US qui a fermé l’usine d’Amiens en janvier 2014, jetant à la rue 1143 salariés. Ils contestent le caractère économique de leur licenciement entendent obtenir un dédommagement. Au vu du nombre exceptionnel des plaignants, le tribunal a été contraint de se délocaliser dans une salle habituellement dédiée au spectacle.
L’Union locale CGT, les salariés en grève de l’hôpital psychiatrique Philippe Pinel… Les demandeurs ont reçu le soutien de plusieurs dizaines de militants CGT auxquels s’est joint aussi François Ruffin, le député de la France Insoumise de la 1ere circonscription de la Somme.
Le Code du travail favorable aux salariés ?
Me Fiodor Rilov, l’avocat des plaignants, a débuté sa plaidoirie en évoquant la catastrophe sociale qu’aura représentée, à l’échelle régionale, la fermeture de l’usine d’Amiens. Les vies brisées des salariés, l’effondrement des sous-traitants… L’avocat après avoir évoqué brièvement le contexte né de cette fermeture, a rappelé qu’il allait s’attacher à faire la démonstration juridique que le Code du travail n’a pas été respecté. Singulièrement sur la justification économique des licenciements.
À l’époque où les licenciements ont été notifiés aux salariés, le Code du travail stipulait que la performance économique devait être appréciée à l’échelle du groupe, plus précisément au niveau du secteur d’activité du groupe concerné par la procédure. Le véritable enjeu de cette démonstration : les ordonnances Macron, ultérieures, ont modifié cette règle. Aujourd’hui, ce ne sont plus les performances du groupe qui sont à prendre en compte, mais uniquement celle de la filiale concernée. Mais à l’époque, le Code du travail interdisait clairement les licenciements économiques dans les entreprises bénéficiaires.
Records de bénéfices
« Or cette année-là, rappelle Me Rilov,le rapport d’activité du groupe, déposé officiellement auprès des autorités américaines, faisait état d’un bénéfice record de 1,7 milliard de dollars. M. Kramer, le PDG évoquant le résultat le plus élevé jamais atteint par le groupe, en progression de plus de 8% par rapport à l’année précédente. Pour la 4eme année consécutive, le groupe a réalisé plus de 1 milliard de dollars de résultat, un succès sans précédent, dit-il. Le résultat net de 2,5 milliards de dollars après impôts, constitue la somme la plus colossale jamais affichée par Goodyear depuis sa création. Le groupe a donc engrangé des sommes phénoménales ! Un milliard de dollars de profits de plus que tous les autres pneumaticiens du monde. Michelin, à titre de comparaison, faisait 1 milliard de dollars. On ne peut pas faire d’une côté, les plus gros bénéfices et expliquer par ailleurs qu’on a besoin de licencier 1100 salariés à Amiens ».
La plaidoirie de l’avocat des salariés se poursuivra tout au long de matinée avant que les avocats de Goodyear ne tentent, cet après-midi, de démontrer que l’usine d’Amiens n’était pas rentable.