LA SPÉCULATION FINANCIÈRE S’ÉTEND À LA VIE DES POPULATIONS
À l’heure où le monde connaît une pandémie historique, où 184 pays sont touchés, où la moitié de la population mondiale est confinée et où il faut déplorer plus de 85 000 morts, le temps devrait être à la coopération et à la solidarité internationale pour lutter contre cette pandémie.
Malheureusement, la crise du coronavirus est l’occasion de voir les pratiques, l’inventivité et le cynisme de la finance, en mettant en lumière que tout est bon, même la santé des populations, pour faire de l’argent.
LES PANDEMIC BONDS OU LE PARI SUR LA MORT DES POPULATIONS
En 2017, la Banque mondiale crée les « Pandemic Bonds ». Le principe est simple : après l’épidémie d’Ebola qui a fait plus de 11 000 victimes au milieu des années 2010, la Banque mondiale a réfléchi à un système devant permettre d’envoyer rapidement des capitaux à des pays faisant face à une ou plusieurs épidémies. Pour cela, elle émet des obligations sur les marchés financiers, qui sont ensuite achetées par des investisseurs.
La Banque mondiale crée ensuite un fonds d’urgence en cas de pandémie. Durant la durée de vie de ces obligations, les investisseurs reçoivent un intérêt de 7 % ou 12 %, selon la classe de risque à laquelle ils ont souscrit (des taux qui laissent songeurs par rapport au rendement du Livret A…). Si aucune pandémie conforme aux critères ne se produit d’ici à l’échéance de l’obligation, le 15 juillet prochain, les investisseurs récupéreront leur mise de départ plus les intérêts. Cela s’appelle spéculer sur la santé des populations, et faire du profit sur le dos de la santé des peuples.
Si à l’inverse une maladie prévue par le contrat apparaît, les investisseurs perdront leur capital, qui sera transféré aux pays affectés, via une entité de la Banque mondiale. Les investisseurs se frottaient déjà les mains des bénéfices qu’ils allaient réaliser le 15 juillet… jusqu’à ce que la crise du coronavirus éclate !
LES FONDS VONT-ILS ÊTRE DÉBLOQUÉS ?
En toute logique, les 320 millions de dollars collectés devaient être affectés à la lutte contre le coronavirus. C’est sans connaître la voracité des détenteurs de capitaux, bien décidés à ne pas abandonner ce pactole.
Le diable se trouve dans les détails et les conditions d’utilisation des sommes ont été définies de telle façon qu’il est particulièrement difficile de réunir les conditions : il faut que le coronavirus provoque au moins 2500 morts dans un pays et 20 dans un deuxième, ou fasse au moins 250 victimes dans au moins un pays émergent et que le taux de contamination atteigne un certain niveau. Le tout dans les douze semaines qui suivent la publication du premier rapport de situation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l’épidémie.Les conditions de versement sont tellement cyniques qu’au 1er avril, soit 13 semaines après la déclaration par l’OMS de la pandémie, rien n’a encore été versé. Il devient alors clair que ces Pandemic Bonds servent en priorité les investisseurs et certainement pas les populations qui ont besoin en urgence des fonds !
L’épidémie sanitaire que nous connaissons est révélatrice des méthodes du monde de la finance, prêt à faire de l’argent sur tout même sur le désarroi des populations.
Le président de la République a indiqué qu’il y aurait un avant et un après épidémie. Il sera bon de lui rappeler que l’après passera par un contrôle renforcé du système financier pour le mettre au service de la réponse aux besoins des populations, de leur santé, et arrêter de le voir spéculer sur tout, même la vie des gens !