Fichage des salariés : ce que l’employeur a le droit de faire

Fichage des salariés : ce que l’employeur a le droit de faire

La découverte d’un fichier des intérimaires du Leroy Merlin de Valence contenant des commentaires insultants est l’occasion de faire le point sur les droits et obligations d’une entreprise en matière d’évaluation de ses salariés.

 

« Feignasse », « trop bavarde », « mou du genou », « beurk »… Voilà quelques-unes des remarques pour le moins désobligeantes figurant sur un fichier de suivi des missions des intérimaires de la plateforme logistique du Leroy Merlin de Valence (Drôme). Ce listing, qui n’avait pas normalement à être accessible aux salariés, était archivé sur un espace non sécurisé du réseau Intranet de l’entreprise. Les commentaires peu amènes concernent des travailleurs ayant effectué des missions entre 2014 et 2016. La CGT menace de porter l’affaire devant le Parquet.

 

Cette affaire en rappelle d’autres comme très récemment chez Radio France. Fin septembre, des journalistes pigistes ayant passé un concours interne pour être recrutés en CDD au sein des rédactions ont reçu leurs résultats par mail. Problème, le fichier envoyé contenait également des commentaires humiliants du jury à l’égard de certains candidats. Exemples d’appréciations inscrites : « Il s’écoute trop et raconte des conneries », « Voici France Bleu Junior. C’est Tchoupi fait du journalisme », « Il faut peut-être se calmer sur les amphétamines », « Il serait pas mal en démonstrateur à Auchan ou DJ au Macumba »…

Une évaluation autorisée mais encadrée

Certes, les employeurs ont le droit d’évaluer le travail de leurs salariés et de collecter des données personnelles, mais sous certaines conditions. Déjà, les salariés doivent être informés, préalablement à leurs mises en œuvre, des méthodes et techniques d’évaluation utilisées par l’entreprise (entretien annuel, système de notation). Si les données collectées sont enregistrées dans un fichier informatique, l’entreprise doit le déclarer à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Concernant les informations demandées, elles ne « peuvent avoir comme finalité que d’apprécier ces aptitudes professionnelles », précise l’article L1222-2 du Code du Travail. Elles « doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’évaluation de ces aptitudes ». L’employeur peut par exemple collecter des renseignements sur l’identité, la formation ou la validation des acquis de l’expérience d’un salarié mais il ne peut pas obtenir des éléments en rapport avec la vie privée.

Les commentaires subjectifs sont interdits

Par ailleurs, si les zones commentaires sont autorisées, la Cnil précise que les appréciations « doivent être pertinentes, adéquates et non excessives ». Le responsable du fichier doit « faire en sorte d’empêcher que des commentaires subjectifs, outranciers voire insultants y figurent. Il peut prévoir des menus déroulants, un système de filtrage de mots clés ou bien vérifier régulièrement leur contenu ».

La Cnil est extrêmement vigilante et sanctionne les comportements abusifs. Les sanctions peuvent aller d’un avertissement public jusqu’à une sanction financière. La Commission peut également transmettre les éléments dont elle dispose à la justice si elle constate des infractions pénales.

Le salarié a le droit d’avoir accès au fichier

Enfin, si les résultats des évaluations sont confidentiels, le salarié a le droit d’y avoir accès, sur simple demande, et en obtenir une copie. Les données ne peuvent pas être conservées au-delà de la période d’emploi de l’employé. Toutefois, précise la Cnil, « il est possible de conserver ces informations plus longtemps, notamment lorsqu’il s’agit de se prémunir contre une éventuelle action en justice d’un ancien salarié. Il faut alors les stocker sur un serveur spécifique, accessible à un nombre limité de personnes et prévoir une traçabilité des opérations consultation ».

Source : Sarah Corbeel