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Transformer ses chômeurs en travailleurs pauvres ?

Après les lois Macron, Rebsamen et El-Khomri sous le précédent quinquennat, le gouvernement d’Edouard Philippe prépare une réforme encore plus profonde du droit du travail, précédant une remise à plat de l’assurance chômage. Ce big bang annoncé a un modèle : les réformes « Hartz », engagées en Allemagne au début des années 2000, aujourd’hui parées de toutes les vertus par de nombreux commentateurs avec, en apparence, l’un des taux de chômage les plus bas d’Europe. La réalité des chiffres montre au contraire que ces réformes du marché du travail n’ont pas radicalement réduit le chômage et la sous-activité et, surtout, ont provoqué une explosion des travailleurs pauvres, dont le nombre est l’un des plus élevés d’Europe.

Emmanuel Macron et son gouvernement vont désormais entrer dans le vif du sujet : s’atteler à des « réformes structurelles », notamment celle du « marché du travail », qui serait une condition indispensable à la baisse du chômage. Le gouvernement français emboîte ainsi le pas à son voisin allemand. Le taux de chômage en Allemagne s’élevait, il y a quinze ans, à 10,5 % selon l’agence allemande pour l’emploi. La première réforme du marché du travail allemand – la loi dite Hartz, du nom de Peter Hartz, ancien DRH de Volkswagen qui a dirigé la commission qui a concocté ces réformes sous le gouvernement du social-démocrate Gerhard Schröder – entre alors en vigueur. Trois autres réformes ont suivi : elles se sont attaquées à l’assurance chômage, en réduisant la durée d’allocation et en renforçant les contrôles et la surveillance des chômeurs, et ont ouvert grand la porte au développement des emplois à bas-salaire.

Après avoir atteint un record, plus de 11,5 % et 4,9 millions de chômeurs en 2005, le chômage allemand commence finalement à diminuer. Il passe sous des 10 % deux ans plus tard. Depuis, les chiffres sont en baisse continue. Et l’Allemagne fait figure de modèle de ce côté-ci du Rhin pour tous les politiques, chefs d’entreprise et économistes orthodoxes qui vantent les mérites de la dérégulation du droit du travail pour relancer l’emploi. Mais l’un a-t-il vraiment permis l’autre ? Les chiffres du travail et du chômage allemand sont-ils si bons que ça ?


Le délégué syndical va-t-il disparaître?

 

Le gouvernement songe à revoir de fond en comble les règles du dialogue social en entreprise. Dans les petites entreprises, la négociation d'un accord pourrait avoir lieu avec un simple délégué du personnel. Dans les plus grandes, un "conseil d'entreprise" pourrait être institué. Il cumulerait les fonctions de représentation et de négociation. Les délégués syndicaux perdraient alors leur principale fonction.(Crédits : (c) Copyright Thomson Reuters 2013. Check for restrictions at: http://about.reuters.com/fulllegal.asp)

 

Dans le cadre de la concertation sur les futures ordonnances réformant le code du travail, le gouvernement explore la piste de la création d’un "conseil d'entreprise" dans les établissements de plus de 300 salariés, regroupant toutes les instances de représentation du personnel actuelles, y compris les délégués syndicaux qui perdraient alors le monopole de la négociation des accords.


les 5 mesures qui fâchent

 

  

 L’été sera chaud. Les députés ont commencé lundi l'examen du projet de loi d’habilitation visant à réformer le Code du Travail par ordonnances. Premières escarmouches, premiers amendements... Dans l'Hémicycle, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a eu droit à son baptême du feu. En première ligne de la contestation : les "insoumis" et les communistes qui entendent lutter contre le projet du gouvernement à l'Assemblée nationale et dans la rue. Jean-Luc Mélenchon a appelé au rassemblement dans plusieurs grandes villes, ce mercredi 12 juillet, pour défendre le Code du Travail. Parallèlement au parcours législatif, la concertation se poursuit entre le ministère du Travail et les organisations patronales et syndicales. Or ces dernières semblent également durcir le ton. Si Jean-Claude Mailly (FO) reste prudent, Philippe Martinez (CGT) n'a jamais caché sa ferme opposition à la réforme du Code du Travail. Laurent Berger (CFDT) qui se montrait plus attentiste - "Nous jugerons sur pièces à la fin du processus", déclarait-il fin juin - met désormais en garde :

"Attention aux signaux négatifs qui sont envoyés aux travailleurs ces jours-ci. Ça peut susciter beaucoup de désaccord et de colère."

Tour d’horizon des mesures de la réforme du Code du Travail qui fâchent.



Réforme de l'assurance maladie et chômage

Les mesures de la réforme Macron

Il s’agit de basculer les cotisations salariales pour l'assurance maladie qui représentent 0,75% du salaire brut, et celles pour l'assurance chômage, soit 2,4% du salaire brut, sur 1,7 point de CSG. Supprimer ces cotisations entraînerait donc, d’un côté, une augmentation du salaire net équivalente à 3,15% du salaire brut. De l’autre, la hausse de la CSG induirait une perte de 1,67% (avec l’abattement). Au final, le gain sur le salaire serait donc de 1,48% pour un salarié classique.

Derrière cette réforme, un objectif central : délester les salariés, qui deviennent plus rares et plus volatils, du financement de la protection sociale. Et reporter une partie de son financement sur le reste de la collectivité, notamment les inactifs. C’est ainsi mettre à contribution tous les revenus, notamment ceux du capital. Sur le papier, les principaux gagnants sont les salariés et les principaux perdants, les retraités. Mais les choses ne sont pas si simples.

Perdants : les plus hauts salaires et les retraités des classes moyennes

D’abord, l’économie du basculement du financement des cotisations vers la CSG serait bien moindre pour les très gros salaires. Les cotisations chômage sont en effet plafonnées à partir de 13.076 euros par mois. A partir de ce seuil, le taux de cotisation salariale est donc dégressif. La CSG, de son côté, est prélevée sur 100% du salaire au-delà de ce plafond. Du coup, à partir d'un salaire de 13.076 euros par mois, l'économie se réduirait et se transformerait même en perte au-delà de 33.000 euros. Très peu de salariés seront de fait lésés. 

Mais il y a ensuite toute la zone de flou concernant les retraités. Aujourd’hui, les retraités ayant un revenu inférieur à 1198 euros par mois pour un célibataire, ou 1838 euros pour un couple, bénéficient d’un taux réduit de CSG de 3,8%, voire d’une exonération. A priori, seuls ceux situés au-dessus de ce seuil (60% des retraités) verraient leur pouvoir d’achat diminuer, de 1,7%.